Le XX° siècle : d’immenses progrès
dans l’émancipation et la destruction de l’homme

Problématique : Le XX° siècle peut être considéré comme l’ère absolue des plus grands progrès de l’esprit humain. Jamais auparavant dans l’histoire, l’homme n’a pu se nourrir, se déplacer, créer de la richesse, inventer, maîtriser la nature, se soigner, vivre et se survivre dans une longévité exceptionnelle qu’en ce dernier siècle du deuxième millénaire. En même temps, ces fantastiques progrès de l’esprit et de la technologie se sont accompagnés des deux guerres les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité, avec, pour la première fois, le projet annoncé et presque accompli de destruction méthodiquement mise en œuvre de la part juive de l’humanité.

En ce sens, en ce XX° siècle prométhéen, où l’homme s’est arraché pour la première fois à la biosphère en atterrissant sur la Lune, mais siècle de l’abomination et de la mort d’une certaine idée de l’homme, on peut s’interroger sur le sens de ces progrès. En quoi ces conquêtes de l’esprit, cette formidable marche en avant de l’humanité se sont-elles accompagnées d’une incroyable régression des comportements humains ? En quoi les progrès de l’homme se sont-ils développés, non plus avec, mais contre l’idée même de la civilisation ?

I) Un siècle meurtrier : les deux Guerres mondiales

A) La Grande Guerre : la grande cassure

Par son bilan (10 millions de morts), par sa dimension mondiale, par la reconversion de toute l’économie dans la production de guerre, par ses conséquences aussi, le premier conflit mondial apparaît comme une rupture profonde, la fin du XIX° siècle, et le début d’une nouvelle ère à la fois pleine de promesses (l’illusion que cette guerre fut la " der des ders ", les " années folles " du tango, du jazz et du charleston) et de menaces (" Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ", Paul Valéry).

1) L’exacerbation des nationalismes européens

La fin du XIX° siècle et le début du siècle nouveau sont marqués par une aggravation des tensions entre principales puissances européennes. Concurrence économique : l’Allemagne devient la seconde puissance industrielle en 1914, derrière les Etats-Unis, mais devant la Grande-Bretagne et la France. Opposition militaire : Londres tente par tous les moyens de ralentir l’effort de construction navale allemand. Rivalités coloniales : la France et la Grande-Bretagne ont été au bord de la guerre en 1898, à propos du contrôle du Soudan. La France et l’Allemagne en 1905 et 1911 à propos du Maroc.

Cette montée des impérialismes européens - qui se partagent alors l’Afrique - s’accompagne de discours et d’attitudes nationalistes, parmi lesquelles un effort de réarmement considérable et la conclusion d’alliances. A la veille du conflit, la Triple Entente – qui réunit la Grande-Bretagne, la France et la Russie – s’oppose à la Triplice (ou Triple Alliance), qui associe les deux empires centraux allemand et austro-hongrois à l’Italie. La " poudrière des Balkans " va faire exploser l’Europe. Indépendante, la Serbie tente, avec le soutien russe, d’unifier tous les Slaves du sud, qui se trouvent sous les dominations austro-hongroise et turque. Lorsque le 28 juin 1914, un groupe de nationalistes serbes assassine à Sarajevo l’héritier du trône de Vienne, François-Ferdinand, le jeu des alliances conduit inéluctablement à la guerre : l’Autriche déclare la guerre à la Serbie, aussitôt soutenue par la Russie, la France décrétant la mobilisation générale le 1er août, à laquelle répond l’entrée en guerre de l’Allemagne le 3, l’invasion de la Belgique, et la riposte militaire britannique.

2) L’échec des offensives (1914)

Même si cette guerre était redoutée par toutes les opinions publiques, particulièrement dans les villes où les journaux à grand tirage touchent tous les milieux sociaux, son déclenchement surprend. Certes, en France par exemple, la guerre est acceptée, soutenue par " l’union sacrée " de toutes les forces politiques, d’autant plus facilement que le grand leader pacifiste, le socialiste Jean Jaurès, a été assassiné le 31 juillet. Mais les départs au front ne se font pas dans l’enthousiasme, " la fleur au fusil ", mais beaucoup plus avec le sentiment d’un devoir à accomplir. Non pas pour " récupérer l’Alsace et la Lorraine " - souci et discours des seules ligues nationalistes -, mais avec la conviction d’un juste combat, pour répondre à l’agression allemande.

Cette guerre qui explose soudain a été prévue depuis longtemps par les états-majors des deux puissances continentales : leurs plans sont tous les deux offensifs, la victoire doit être acquise très rapidement au terme d’une guerre de mouvement. De fait, la guerre commence ainsi : en conformité avec son plan XVII, le général Joffre jette l’essentiel de ses forces en Lorraine et dans les Ardennes, pour percer et détruire l’armée allemande. Cette dernière, obéissant au plan Schlieffen, envahit la Belgique et le Nord de la France, frôle Paris d’où le gouvernement a fui, pour envelopper l’armée française et tenter de la détruire sur le plateau de Langres. Or ces deux manœuvres connaissent l’échec. Tout de suite en Lorraine pour les Français, qui se replient sur Nancy après de très lourdes pertes. En septembre pour les Allemands, qui sont repoussés sur l’Aisne et en Champagne, après la décisive bataille de la Marne, de l’Ourcq jusqu’à Verdun. A la fin de 1914, après une " course à la mer " (vers la Manche) où Allemands et Franco-Britanniques tentent de se déborder mutuellement, un immense front de 600 km de long est en place, de la Belgique jusqu’à la Suisse, Picardie, Champagne et Ardennes étant occupées par les troupes de Guillaume II (cf. carte Magnard p.204).

3) La guerre de tranchées (1915-1917)

Dès lors, les deux armées vont s’enterrer pour conserver à tout prix les positions acquises. Les soldats des deux camps apprennent à vivre dans la boue, le manque d’hygiène (les " poilus " ne peuvent se raser), à combattre en tentant de s’emparer de la tranchée d’en face et à mourir sous les grenades, les obus de l’artillerie et les gaz asphyxiants. Pour arracher la victoire, dans un conflit qui s’éternise, les deux camps lancent de grandes offensives qui mobilisent des centaines de milliers d’hommes. Mais la puissance du système de fortifications transforme ces tentatives de percées – franco-britannique en Artois en 1915, allemande à Verdun – en immense boucherie : un million de morts dans les deux camps à Verdun entre février et juin 1916.

De nouvelles – et inutiles – offensives dans la Somme et en Artois provoquent de véritables mutineries en 1917, auxquelles le général Pétain, nouveau commandant en chef, met fin à la fois par la répression et par une nouvelle stratégie fondée sur la défensive.

4) L’entrée en guerre des Etats-Unis et l’offensive finale (1917-1918)

Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, les Etats contrôlent de plus en plus tous les domaines de la vie économique (réquisitions, affectation de femmes et d’ouvriers non qualifiés dans les usines, surveillance des prix et des salaires) et sociale. Toute l’économie est tournée vers la production de guerre. D’où les tentatives des ennemis de gagner cette guerre économique puisque la victoire est impossible sur le terrain. A partir de 1915, les franco-britanniques tentent d’étouffer l’économie allemande par un blocus naval de plus en plus étroit. L’Allemagne répond par une guerre sous-marine à outrance dans l’Atlantique pour asphyxier l’économie britannique. Bénéficiaires d’un commerce fructueux avec l’Entente, leurs navires étant parfois coulés, les Etats-Unis entrent en guerre en avril 1917.

Devant cette menace, et parce qu’ils remportent une spectaculaire victoire, suivie de la paix, sur le front Est avec la révolution russe d’octobre 1917, les Allemands mettent toutes leurs forces dans d’ultimes offensives à l’ouest, à partir de mars 1918, sur la Somme, en Flandre, au Chemin des Dames et en Champagne. Mais mal nourries, mal relevées, épuisées, les troupes allemandes ne peuvent résister aux armées alliées coordonnées par le général Foch et renforcées par le matériel et les hommes américains, les premiers chars (Renault) et la supériorité sous-marine et aérienne : après une révolution ouvrière à Berlin, le gouvernement de la nouvelle République allemande signe l’armistice de Rethondes le 11 novembre 1918.

5) Le bilan catastrophique d’une Europe et d’un monde bouleversés

Pertes humaines et matérielles : 10 millions de morts, 6 millions d’invalides. La France a été le pays le plus touché, proportionnellement : 1,4 million de tués et de disparus, soit 10% de la population active masculine. Cette saignée s’accompagne d’un déficit des naissances. La stagnation démographique française se prolonge (cf. tableau Carpentier p.421), avec un vieillissement de la population qui ne continue de croître qu’avec le recours à l’immigration. Cette dernière participe à la reconstruction d’un pays dont le nord est en ruines : maisons, ponts, routes, usines…

Perte de prestige des Européens dans les colonies et dans le monde : la guerre a été mondiale, elle s’est étendue en Afrique où les franco-britanniques se sont emparés des colonies allemandes, en Extrême-Orient où les Japonais ont fait de même dans les Mariannes et en Nouvelle-Guinée. Les colonies ont fourni des vivres, des matières premières, " tirailleurs sénégalais " et " zouaves marocains ", souvent engagés dans les combats de première ligne, comme en témoignent les cimetières militaires de l’Ourcq. Au lendemain de la guerre, les peuples colonisés ne croient plus à ce qu’on leur inculquait – la supériorité naturelle de la métropole – et réclament une amélioration de leur sort. A ce premier déclin de l’influence européenne dans les colonies s’ajoute l’expansion des Etats-Unis, les plus grands bénéficiaires de la guerre, et du Japon, dont les capitaux se placent désormais à Londres et à Paris.

Bouleversements sociaux : les clivages sociaux s’accentuent avec l’enrichissement des " marchands de canons " et l’appauvrissement des petits rentiers, des retraités et des salariés touchés par l’inflation. Les femmes ont acquis une place nouvelle dans la société, en s’étant rendues indispensables pendant toute la guerre, dans les champs, dans les usines (Magnard p.169), dans les bureaux, dans les écoles (pour compenser la perte de très nombreux instituteurs)… Le féminisme progresse, la mode évolue (la " garçonne " en cheveux courts), le droit de vote est accordé en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Russie, mais pas en France.

L’apparente victoire de la démocratie… Quatre empires autoritaires se sont écroulés, ce qui transforme profondément la carte de l’Europe, redessinée par les traités de paix de 1919 : l’empire du tsar - devenu la Russie communiste -, l’empire ottoman réduit à l’actuelle Turquie, l’empire austro-hongrois démantelé - avec la naissance d’une minuscule Autriche et d’une Hongrie, d’une Tchécoslovaquie, d’une Yougoslavie indépendantes -, enfin le Reich allemand, que le traité de Versailles diminue sur le plan territorial, coupe en deux par le " couloir de Dantzig ", démilitarise, confisque les colonies, surveille, condamne à de lourdes réparations et rend seul responsable du conflit.

Tous ces Etats adoptent des régimes parlementaires, mais la démocratie ne résiste pas à l’installation rapide de régimes autoritaires dans toute l’Europe centrale et orientale (à l’exception de la Tchécoslovaquie), ainsi qu’en Russie communiste. En Allemagne, elle est contestée à la fois par l’extrême gauche communiste et par l’extrême droite, dont le parti national-socialiste de l’ancien combattant Adolphe Hitler, qui tente de prendre le pouvoir en Bavière par un putsch, en 1923. En prison, il rédige Mein Kampf, dans lequel il promet le rejet du traité de Versailles, la naissance d’un nouveau Reich pourvu d’un " espace vital " à l’Est et débarrassé des " races inférieures ", à commencer par les Juifs.

B) La Seconde guerre mondiale : la faillite de la civilisation européenne

Finalement, le passif le plus lourd de la Grande Guerre est d’avoir engendré la Seconde. Dès l’origine, le traité de Versailles est vécu comme une humiliation nationale par la population allemande, traumatisée par la défaite, dont tous les gouvernements adoptent une politique " révisionniste " destinée à le réviser, à le remettre en cause avec plus ou moins de détermination.

1) La politique guerrière d’Adolphe Hitler (1933-1940)

Les conséquences économiques de la crise mondiale de 1929 (chômage, baisse des salaires, chute des prix agricoles), la division profonde des puissantes forces politiques de gauche, la démagogie du parti national-socialiste qui promet de rendre à l’Allemagne sa " place au soleil " et offre postes et secours au sein des SA et des SS, la complicité des partis de droite et du grand patronat expliquent l’arrivée légale à la chancellerie d’Hitler, en janvier 1933.

Très vite, Hitler met en place une dictature, ouvre les premiers camps de concentration pour ses ennemis politiques (à commencer par les communistes et les socialistes), persécute les Juifs, manipule l’opinion par une propagande appuyée sur les nouveaux moyens de diffusion que sont la radio et le cinéma et ordonne le réarmement de l’Allemagne dans la perspective d’une guerre-éclair (Blitzkrieg). En 1936, le traité de Versailles est violé une première fois par la remilitarisation allemande de la Rhénanie (la rive gauche du Rhin), puis une seconde fois en mars 1938, par l’annexion de l’Autriche, l’Anschluss, au nom du droit de toutes les populations germaniques à vivre dans le même Etat allemand. C’est au nom du même principe qu’Hitler revendique l’annexion des régions ouest de la Tchécoslovaquie, les Sudètes, peuplées en partie de populations de culture allemande. Lors de la conférence de Munich, en septembre 1938, Français et Britanniques cèdent devant les exigences d’Hitler, alors que la Tchécoslovaquie est leur alliée. Ils ne bougent pas plus lorsqu’en mars 1939, le Führer envahit la partie tchèque du pays.

Cette politique " d’apaisement " des démocraties ne cesse qu’avec l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht le 1er septembre 1939, première étape de la conquête du Lebensraum (espace vital) à l’est. Alliées de Varsovie, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. Toutefois, elles ne lancent aucune attaque militaire et la Pologne est partagée, fin septembre, entre Allemagne et URSS.

2) L’Europe nazie (1940-1942)

Dès lors, les deux camps, celui des démocraties et celui de l’Axe germano-italien, s’installent dans " la drôle de guerre ", faite d’attentisme, de rumeurs, jusqu’à la conquête éclair par les Allemands du Danemark et de la Norvège, en avril 1940. C’est le prélude de la conquête et de l’effondrement de la France, en mai-juin 1940. Comme en Pologne, les divisions blindées de la Wehrmacht appuyées par la Luftwaffe submergent l’armée française par les Ardennes, évitant la ligne Maginot, provoquant le reflux de l’armée et un immense exode des civils. Malgré l’appel du 18 juin à continuer la lutte du général de Gaulle, le dernier président du Conseil de la III° République Philippe Pétain signe l’armistice le 22 juin.

a) Le gouvernement de Vichy et la collaboration

Cet armistice laisse subsister un gouvernement français et l’empire, mais seulement dans une " zone libre " au sud de la Loire (cf. carte Carpentier-Lebrun p.407), l’Alsace-Lorraine étant annexée, le reste du pays occupé et administré par l’armée allemande. Le 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs sont accordés par l’Assemblée nationale au " sauveur de Verdun " qui devient " chef de l’Etat français ". Sa dictature personnelle promeut la Révolution nationale, autour des valeurs traditionnelles du Travail artisanal et agricole, de la Famille, au centre des valeurs chrétiennes, et de la Patrie, unie dans le culte du chef, de la discipline et de l’ordre, dans la haine de la démocratie.

Dès octobre 1940, ce régime autoritaire, mais qui ne dispose ni du parti unique, ni de l’idéologie moderniste des fascismes européens, s’engage dans la collaboration, dans l’entente politique entre Vichy et Berlin, pour réserver à la France un sort favorable dans l’Europe nazie : les communistes, les Juifs étrangers sont traqués, emprisonnés et livrés aux nazis. A Paris, des partis fascisants (comme le PPF de Jacques Doriot) tentent de s’attirer les faveurs des nazis en faisant de la surenchère anti-démocratique, anti-sémite et anti-communiste.

b) La naissance et l’organisation de la Résistance

Avec l’aide des Britanniques, le général de Gaulle, au lendemain de son appel à poursuivre la guerre du 18 juin 1940, obtient le ralliement des colonies françaises d’Afrique équatoriale et se dote d’une petite armée, les Forces Françaises Libres. En zone libre et en zone occupée, les premiers mouvements de Résistance diffusent des tracts, des journaux, refusent la défaite et la collaboration. En juin 1941, après l’invasion de l’URSS, le parti communiste clandestin rejoint la Résistance et crée des groupes paramilitaires, les FTP qui vont pratiquer le terrorisme contre l’ennemi. Cette stratégie armée est rapidement imitée par les autres mouvements de résistance, que Jean Moulin, délégué par le général de Gaulle pour la zone non occupée, parvient à réunir. En mai 1943, il devient le premier président du Conseil national de la Résistance, avant d’être arrêté par la Gestapo le mois suivant.

Après l’échec de la " bataille d’Angleterre " (juin 1940-juin 1941), Hitler fait occuper en avril 1941 la Yougoslavie puis la Grèce, pour soutenir son allié Mussolini. Toute l’Europe continentale, à l’exception des pays neutres comme l’Espagne, la Suisse et la Suède, est directement occupée ou soumise à des satellites du Reich, qui organise le pillage des richesses, des matières premières, la déportation dans les camps allemands, dès 1941, de tous les opposant, l’envoi dans les usines et les campagnes allemandes, à partir de 1942, de millions de travailleurs européens soumis au Service du Travail Obligatoire, enfin la mise en œuvre, à partir de 1942, de la " solution finale " de la question juive : l’extermination systématique de tous les Juifs d’Europe.

c) La mondialisation du conflit

En juin 1941, Hitler envahit massivement la Russie pour conquérir son Lebensraum. L’Armée Rouge recule sur tous les fronts, mais en décembre 1941, Moscou n’est pas prise. Pour la première fois, le Blitzkrieg a échoué, il se transforme en guerre d’usure.

En décembre 1941, ce sont les Etats-Unis qui entrent en guerre contre l’Axe, après le bombardement par les Japonais de leur base de Pearl Harbour, ce qui provoque la fin de l’isolationnisme américain.

3) Le reflux allemand et la victoire alliée (1942-1945)

De l’automne 1942 au printemps 1943 a lieu le " renversement de la marée ". Dans le Pacifique, grâce à leur supériorité aéronavale, les Américains stoppent l’avance nippone au sud et commencent la reconquête de Singapour, des Indes néerlandaises, des Philippines et des archipels micronésiens, en se rapprochant lentement du Japon par la tactique du " saut d’île en île ". En Afrique du Nord, les Anglais gagnent la " guerre du désert " en Egypte et en Libye contre l’Afrika Korps du général Rommel. Surtout, en novembre 1942, un débarquement anglo-américain de 100 000 hommes dirigés par le général Eisenhower réussit au Maroc et en Algérie. Les troupes françaises de Vichy se rallient aux Alliés après quelques jours de combat. Les armées allemandes et italiennes, refoulées en Tunisie, capitulent en mai 1943. De Gaulle s’impose comme le chef de l’organe suprême de la Résistance, le Comité Français de Libération Nationale (cf. son discours dans le Carpentier p.342-343).

En France, les Allemands envahissent la zone Sud. La flotte de Toulon se saborde. Pétain est surveillé par un délégué allemand. Les fascistes de Paris entrent dans le gouvernement de Pierre Laval, dont Jacques Doriot et Joseph Darnand, créateur de la Milice qui traque les résistants et les Juifs (même les Juifs français, jusque là relativement " protégés " par Vichy), en coiffant l’administration, la police et la justice.

C’est pourtant la bataille de Stalingrad (septembre 1942-février 1943) qui apparaît comme un tournant majeur de la Seconde guerre mondiale. Hitler a engagé en URSS le plus gros de ses forces. Pourtant, prises en tenaille, coupées de leurs lignes arrières, les troupes du général von Paulus capitulent : l’Axe a perdu 500 000 hommes (tués, blessés ou prisonniers) : le mythe de l’invincibilité de l’armée allemande est atteint, comme le prestige du Führer.

Un nouveau débarquement allié en Sicile, en juillet 1943, provoque l’effondrement du fascisme, tandis que l’Opération Overlord en Normandie, en juin 1944, inaugure la libération de la France (Paris est libéré en août 1944, le général de Gaulle devient le chef du Gouvernement Provisoire de la République Française). Un dernier débarquement en Provence, en août 1944, accélère la reconquête du territoire : Strasbourg est libéré en novembre. Partout, les principaux maquis harcèlent la Wehrmacht et la Gestapo, ce qui déclenchent de sévères représailles contre civils (à Oradour sur Glane) et résistants (maquis des Glières et du Vercors).

A l’Ouest comme à l’Est, les armées alliées poursuivent leur avancée : Berlin est encerclé le 25 avril 1945, tandis que l’Armée Rouge fait sa jonction avec les Anglo-Saxons sur l’Elbe. Hitler se suicide le 30 avril. La capitulation allemande est signée le 7 mai à Reims et le 8 mai 1945 à Berlin.

Dans le Pacifique, le bombardement atomique américain d’Hiroshima et de Nagasaki, le 6 et 9 août 1945, contraint le Japon à la capitulation, signée le 2 septembre.

4) Génocide, camps, massacres : un bilan monstrueux

5 fois plus meurtrière que la Grande Guerre, la deuxième guerre a surtout frappé les populations civiles, bombardées (comme à Londres, mais aussi à Berlin, Hambourg, Dresde – 200 000 morts, Hiroshima), affamées, massacrées, mises en esclavage, déportées, exterminées. 6 ans après son déclenchement, le conflit a fait 50 millions de morts, dont les 5 à 6 millions de Juifs exécutés dans des camps d’extermination conçus pour industrialiser la mise à mort. Jamais auparavant, la vie humaine n’avait été autant niée que dans les massacres japonais à Nankin, dans les expérimentations pseudo scientifiques d’un docteur Mengele, dans la destruction de populations entières, les Juifs mais aussi d’autres " races inférieures " comme les Slaves ou les Tsiganes ou " dégénérées " comme les homosexuels ou les handicapés. Jamais auparavant, toutes les ressources de l’intelligence n’avaient été à ce point mises au service des technologies de destruction massive, qu’il s’agisse des fusées allemandes V2 ou de la bombe atomique. Jamais auparavant, la notionnel de civilisation, d’humanité n’avait été à ce point menacée par " la race des seigneurs ", rêvant d’un " Reich de mille ans "…

" Plus jamais ça " devient un mot d’ordre de l’après-guerre. L’Organisation des Nations Unies tente de pacifier le monde et proclame en 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie le préambule de celle de 1958, affirme que " tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ".

Dans le même temps, l’Occident capitaliste, en plein conflit idéologique - et parfois militaire - avec l’Est communiste, prête peu d’attention aux témoignages des rescapés des camps nazis et plonge dans les délices de la " société de consommation " qui apparaît au cours des " 30 Glorieuses ".

II) D’extraordinaires progrès scientifiques et économiques dans une Europe pacifiée

A) La 3ème Révolution industrielle

1) La croissance des " 30 Glorieuses "

La Seconde guerre mondiale a révélé l’ampleur des ressources matérielles et intellectuelles mises au service des armes de destruction. Dans un monde profondément divisé entre Est et Ouest, dominé par les deux super-puissances que sont les Etats-Unis et l’URSS, les grands Etats continuent de soutenir massivement les efforts de R-D (Recherche-Développement), en créant des institutions spécialisées comme la NASA américaine ou le Centre National de la Recherche Scientifique en France.

De multiples innovations marquent la 3ème révolution industrielle, caractérisée par la maîtrise de l’information et de la communication grâce à l’électronique et à l’informatique (invention du transistor en 1948, du microprocesseur en 1970). Dans tous les secteurs, les progrès techniques se multiplient, particulièrement dans la physique (énergie nucléaire militaire et civile), dans la biologie (découverte de l’ADN, de la structure du vivant, en 1953) et dans la chimie organique (matières plastiques, fibres synthétiques, colorants, détergents, médicaments, insecticides...) La conquête spatiale illustre la synergie qui caractérise ce passage à un nouveau système technique : la chimie des carburants, la métallurgie des alliages à haute résistance, la puissance de calcul des systèmes de guidage sont tous ensemble nécessaires pour conquérir l’espace (premier satellite soviétique Spoutnik en 1957, premier homme sur la Lune en 1969).

Toutes ces innovations bouleversent la vie quotidienne des populations occidentales, qui entrent dans la " société de consommation " accouchée par la longue croissance économique des 30 Glorieuses (1945-1975). En France, en une seule génération, la consommation des ménages a été multipliée par 2,7 en francs constants. Pour la première fois, les Français échappent à la contrainte de l’alimentaire : alors qu’il pesait encore 50% des budgets populaires en 1950 – comme en 1913 -, cette part tombe à 25 % en 1974. Alors qu’un cinquième des ménages disposait d’une voiture en 1956, 57% en bénéficie en 1973. Même pourcentage, en 1973 cette fois, pour le " carré d’as " : voiture, réfrigérateur, machine à laver le linge, télévision, alors que 2% seulement des Français en disposait en 1957.

Un véritable boom démographique (depuis 1942) stimule la croissance (cf. courbe Carpentier p.424) : cette population jeune, qui s’urbanise rapidement (en 1946, 53% seulement de la population est urbaine, cf. courbe Carpentier p.426 et photos Magnard p.186) a besoin de logements, d’équipements, de biens de consommation, de services. Il s’y ajoute une importante immigration de Maghrébins, Espagnols, Italiens qui viennent compenser les déficits de main d’œuvre dans des usines où triomphe le fordisme (travail à la chaîne).

2) Le développement de l’Etat-Providence

Face à la gravité de la situation en 1945, l’Etat s’est donné les moyens d’intervenir dans la reconstruction de l’économie : nationalisations, planification, politique sociale ambitieuse qui incarne les projets de réformes, voire de révolution, de nombreux mouvements de la Résistance (cf. aussi le discours cité de De Gaulle). Des comités d’entreprise, dans les grands établissements, sont créés pour associer le personnel à la gestion des usines ou des administrations. Surtout, la Sécurité sociale voit le jour en octobre 1945 : pour la première fois dans l’histoire du pays, des prélèvements sur les salaires permettent d’assurer la redistribution d’un revenu pour les plus démunis (malades, invalides, vieillards, veuves, familles nombreuses…)

Dans les campagnes, l’Etat soutient les prix agricoles par des subventions, ce qui permet aux agriculteurs de réaliser une véritable révolution technique, avec la modernisation des exploitations et l’acquisition des premiers tracteurs entre 1955 et 1960. Partout, dans les années 50, l’automobile se diffuse (cf. tableau Carpentier p.427), tout comme l’électroménager, avec le soutien du crédit, géré également par l’Etat.

B) La V° République gaulliste abandonne l’Empire…

Si la IVème République (née en octobre 1946) réussit la reconstruction économique, elle ne parvient pas à s’imposer auprès des Français. Discrédité par l’instabilité gouvernementale et son incapacité à faire face à une nécessaire décolonisation (il faut le désastre militaire de Dien Bien Phu en mai 1954 pour que Pierre Mendès-France puisse mettre fin à la guerre d’Indochine), le régime s’effondre devant l’insurrection des pieds-noirs et de l’armée en Algérie, le 13 mai 1958. Face à la menace de guerre civile, devant le vide du pouvoir, le général de Gaulle, en retraite politique depuis 1953, se présente comme le seul recours. Le 1er juin 1958, les pleins pouvoirs lui sont attribués par l’Assemblée, qui lui donne le droit de rédiger une nouvelle Constitution.

Adoptée par referendum en septembre 1958, la Constitution de la Vème République présidentialise nettement les institutions. Les pouvoirs du président de la République sont considérables : nomination du Premier ministre, des ministres, mais aussi droit de dissoudre l’Assemblée nationale, fixation par le gouvernement de l’ordre du jour des députés, possibilité de consulter le pays par referendum, possibilité de prendre les pleins pouvoirs (article 16) en cas de menaces sur les institutions. Quant à l’Assemblée, elle est cantonnée au vote des lois (dont beaucoup sont d’origine gouvernementale) et du budget. Mais le président peut aussi légiférer en édictant des ordonnances.

Grâce à ces pouvoirs et à son prestige, le général de Gaulle peut imposer aux pieds-noirs et à l’armée la paix en Algérie, qui accède à l’indépendance en 1962. En 1960, il entérine la disparition de l’Empire en accordant l’indépendance en 1960 à une quinzaine d’Etats d’Afrique noire qui souhaitent toutefois poursuivre une coopération (militaire, technique, culturelle) avec Paris. La France maintient ainsi une influence considérable en Afrique, dénoncée par certains comme une forme de néo-colonialisme, mais qui est à l’origine de la francophonie (cf. carte Carpentier pp. 408-409). Toutefois, les échanges économiques se détournent de la zone franc pour s’accentuer dans la CEE.

C) …et poursuit la construction de l’Europe

En effet, même s’il est soucieux d’indépendance nationale (il dote la France d’une force de frappe nucléaire), de Gaulle n’en poursuit pas moins la construction européenne, sous la forme d’une Communauté Economique Européenne instituée par le traité de Rome de 1957. La disparition des droits de douanes intérieurs, l’instauration d’un tarif douanier extérieur commun, la mise en place d’une politique agricole commune caractérisent la CEE, qui unit d’abord 6 Etats : la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. En 1972, l’Europe des neuf accueille la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark. En 1981, la Grèce s’adjoint, puis en 1986, le Portugal et l’Espagne pour former l’Europe des 12.

En 1992, le traité de Maastricht instaure l’Union européenne, la libre circulation des personnes, des services et des capitaux (prévue à l’origine) et prévoit une monnaie européenne unique (l’euro). En 1995, l’Europe s’élargit à l’Autriche, la Suède et la Finlande : c’est l’Europe actuelle des 15.

L’enjeu actuel est l’intégration des pays de l’ex-Europe de l’Est, qui ont recouvré leur souveraineté pleine et entière après la disparition de l’URSS en 1991 et l’ouverture du mur de Berlin en novembre 1989.